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Shan Kelley
Shelter
Du 2 novembre au 7 décembre 2019

Vernissage le samedi 2 novembre dès 15h 

La pratique de Shan Kelley comprend une variété de médiums et de stratégies liés à l’art imprimé, au centre desquels le texte occupe une place centrale. Avec une sobriété qui témoigne de la clarté de sa parole, l’artiste explore la difficile rencontre entre les sphères intimes et publiques, exacerbée par son diagnostic de VIH en 2009. Ses interventions, en galerie ou dans le cadre de manœuvres furtives ou infiltrantes, possèdent une force qui tire sa source de l’activisme qui caractérise sa démarche. En effet, le discours de Kelley sous-tend la mise en vue et la transgression des limites imposées à l’individu marginalisé dans l’espace public. Le travail créé pour l’exposition Shelter met ainsi en relation le corps - dans toute sa subjectivité - et la ville. Le rôle de protection des immeubles, maisons et abris se fait alors le pendant de la fonction primaire du corps de mettre à distance les dangers et heurts du monde extérieur. 

L’esthétique développée dans cette exposition possède l’aspect rugueux ou indiscipliné associé à la ville, avec ses détritus trouvés près des chantiers, ses planches de bois aux dimensions industrielles et ses affiches qui rappellent celles collées ou placardées dans les sites abandonnés. L’éphémérité et la malléabilité de ces matériaux, présentés à l’état de restes ou de morceaux, font ici écho à une certaine impermanence du corps, dans la mesure où ni l’un ni l’autre ne peuvent résister au passage du temps. Par le motif de la ruine, on retrouve ainsi en sous-texte la réflexion sur la mortalité qui parcourt l'œuvre de Kelley, où les défaillances du corps ou de la pensée sont révélées par le langage (blood infection, self victimised, identity crisis, etc) .  Loin de sombrer dans une forme d’apathie ou de défaitisme, l’artiste oppose à la violence de l’espace public une vision idéale, voir idéalisée, de la vie domestique. Le motif des draps reproduit dans les photographies, avec leurs lignes contrastées, amènent à l’esprit une technique de camouflage naval du début du XXe siècle, dit dazzle, dont la fonction était de rendre plus difficile la localisation des navires afin de les protéger des tirs d’artillerie. Le lit s’offre donc ici comme symbole de l’ultime refuge où l’individu cultive son confort, son intimité et souvent, son couple (Shelter built from pieces of you and I, écrit Kelley), en s’effaçant le plus possible hors de la vue, hors du monde. 

Le corpus présenté dans Shelter met donc en tension les sphères intimes et publiques, dans une posture qui rappelle certaines manœuvres des artistes néo-conceptuels New-Yorkais actifs dans les années 1980, plus particulièrement Jenny Holzer ou Félix González-Torres. Conjuguant un discours personnel à des médias de masse, tels que des écrans ou panneaux lumineux installés dans la ville, Holzer démontre toute la vulnérabilité inhérente au fait d’exister publiquement en tant qu’individu, tout en, paradoxalement, affirmant l’universalité de l’expérience humaine. La figure de González-Torres vient aussi à l’esprit, lui qui installa une photographie grand format de son lit sur des panneaux publicitaires, brouillant les limites  entre sa vie privée et ses revendications politiques et sociales. La pratique de Kelley peut se positionner dans l’héritage de ces artistes, en supposant, comme eux, que la construction de l’identité ne s’effectue pas en vase clôt, mais dans un aller-retour entre le moi et l’autre, entre son personnage public et son soi véritable. 


- Marie-Pier Bocquet
Coordonnatrice à la programmation


Shan Kelley (1977) a grandi dans la plaine albertaine, au pays du bœuf et du pétrole canadien. Son travail se situe dans un glissement, à l’intersection de l’art et de l’activisme. Fasciné par le langage, il utilise le texte comme matière première pour interroger les manières dont les relations au soi, à l’identité, au corps et au pouvoir sont déconstruites, créées, et mises en scène.

Porteur du VIH depuis 2009, c’est la séroconversion de Kelley qui l’a inspiré à découvrir sa voix personnelle, artistique et politisée. Dans le contexte de la maladie et de l’adversité, Kelley oppose sa pratique à l’apathie et au défaitisme. Son impressionnante production en atelier questionne les nombreux niveaux de savoirs expérientiels des personnes porteuses du VIH, comme le désir, les relations sexuelles, la stigmatisation, la nationalisation, le vieillissement, la vie de famille, la marchandisation (dans le cadre de pratiques de commissariat, des institutions culturelles et du milieu de l’art en général), l’intimité, la vulnérabilité et le goût à la vie. Combinant objets, activités et comportements du quotidien, le travail de Kelley allie humour, design, intellect et danger.

Shan Kelley est membre de Visual AIDS, et a présenté son travail au Canada, aux États-Unis, au Mexique, en Europe et en Espagne. Sa série Disclosures est représentée par DC3 Art Projects. www.shankelley.com



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Crédit photo : Jean-Michaël Seminaro 

Mots-clés: Exposition,, Arts visuels,, Belgo,

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